Les exilés

Petit récit poétique

Le soleil luisait au fond de leurs yeux. Ils marchaient les pieds nus sur le sable blanc !

Le matin, ils arrosaient leurs murs couverts de trompettes de Jéricho qui pendaient en grosses grappes de  cônes orange  dodelinant aux quatre vents. Ils arrachaient les mauvaises herbes qui poussaient entre les immortelles jaunes et les doigts de sorcières verts courant sur terre comme pour les attraper. Une fois,  ils pleurèrent ! Les cendres d’une suicidée couvrirent momentanément la surface des eaux marine. Ils dirent adieu à une sœur.

Ils écoutaient rarement de la musique, mais le clapotis des vagues océanes sur la grève, plus loin, derrière les dunes,  berçait leurs oreilles, le soir avant de s’endormir. Ils prièrent encore une autre morte avant l’âge et un plus jeune.

Quelques éclairs passèrent dans leurs prunelles ; quelques orages, dans le ciel !

Puis, ils s’agenouillèrent dans leurs jardins pour cultiver  des fleurs.

Ils restèrent longtemps ainsi, très longtemps, repliés sur eux, mais attentifs à la nature. Ils n’avaient qu’à écouter les tourterelles roucouler le matin pour se réveiller ;  suivre la course du   soleil pour rythmer leur journée, compter les saisons et contempler l'océan grignoter le rivage, voir les blockhaus s'enfoncer dans le sable peu à peu, les dunes se rétrécir,  diminuer en hauteur, et le sable s’en écouler comme d’un sablier pour estimer le temps qui passe. Le temps avança, mais il ne se passa rien. Leurs émotions laissèrent à peine une ride sur l’onde qui s’effaça  juste après l’avoir marquée, un cri emporté par le vent qui s’éteignit à l’horizon, sans recevoir aucun écho.

Et ils eurent les cheveux gris, les pieds nus dans le sable, le soleil au fond des yeux.

@ Jezabel Massy

Photo jezabel massy